SFMOMA rouvre ses portes et ajoute plusieurs jardins, terrasses et galeries consacrés à la sculpture
Article : Matthew Harrison Tedford
C’est une œuvre de Richard Serra intitulée Sequence (2006) qui a été la première à être installée dans les nouveaux espaces du Musée d’Arts modernes de San Francisco (San Francisco Museum of Modern Arts), lesquels auront coûté 610 millions de dollars. L’œuvre labyrinthique en forme de chiffre huit et pesant 214 tonnes accueille désormais les visiteurs à l’une des deux entrées du musée. Située en dehors de la zone payante, elle demeure donc facilement accessible au public.
Cette sculpture d’acier Corten est dure, industrielle. Sa surface rouillée rappelle les débris urbains. Et pourtant, circuler à travers cet énorme labyrinthe procure presque la sensation d’être dans la nature. Les parois ressemblent à celles d’une caverne étroite et la rouille fait penser au grès de l’Antelope Canyon en pays Navajo. En traversant cette sculpture colossale, tout disparaît. Il ne reste plus que l’acier et le chemin qui s’ouvre devant soi. C’est une promenade courte, mais méditative.
En empruntant l’autre entrée du musée, les visiteurs trouveront, suspendue au dessus de leur tête, une sculpture de 8 mètres de large d’Alexander Calder, Untitled (1963). Comme pour Serra, le travail de Calder occupe une place imposante au sein du musée. Parmi les nombreux jardins et terrasses du musée, le plus impressionnant se trouve au troisième étage : un espace clos par un mur végétal de 45 mètres de long et 10 mètres de haut, comptant plus de quinze mille plantes. Avec la vue des gratte-ciel de San Francisco, ce mur tisse une magnifique toile de fond pour les sculptures de Calder, Mark di Suvero, Barnett Newman, et George Segal, dont la plupart sont noires ou en bronze. Celles de Calder semblent s’être échappées d’une des galeries adjacentes, entièrement et exclusivement dédiée au travail de l’artiste et où sont actuellement exposés plusieurs mobiles des années 40 et 50 aux couleurs minimalistes de la palette si caractéristique de l’artiste. Ces œuvres sont plus ludiques que les deux exposées à l’extérieur, sombres et brutales. Les ombres des mobiles, en mouvement constant, se détachent admirablement sur les murs de cette pièce baignée de lumière.
Le jardin situé au cinquième étage est bien plus grand, riche de nombreuses œuvres, mais également moins tranquille, comprenant un café et plusieurs kiosques de restauration. Par journée de grande affluence, ce n’est pas exactement un endroit propice à la contemplation et au calme, mais les gratte-ciel alentours s’harmonisent joliment avec les sculptures. Pour Czara z B?belkami (2006), une sculpture en cèdre de 5 mètres de haut, Ursula von Rydingsvard s’est inspirée du point popcorn d’un pull qu’elle portait étant enfant alors qu’elle était dans un camp de réfugiés allemand. Le contraste entre cette tour organique et l’environnement urbain dans lequel elle s’inscrit attire l’attention sur la forme et la matérialité de la sculpture. A l’inverse, le monolithe en acier Corten d’Ellsworth Kelly, Stele I (1973), semble reproduire les tours en construction à proximité.
Depuis sa réouverture, SFMOMA a fait l’objet de nombreuses critiques pour sa faible représentation d’artistes femmes ou issus de minorités ethniques. Cette lacune est particulièrement flagrante dans la collection de sculptures du musée, qui comprend principalement des œuvres de grands artistes, hommes blancs, pour la plupart. Outre la contribution de Rydingsvard au jardin de sculptures, il existe cependant quelques exceptions d’envergure. Super Catcher (2014), de Brad Kahlhamer, est époustouflant. Ce gigantesque “dreamcatcher” (capteur de rêves), composé de câbles et de cloches, est complexe, sensible, et s’il n’est pas fragile, il réussit en tout cas à en créer l’illusion. D’origine indienne et résidant à Brooklyn, le sculpteur fait ici référence à ces identités et combine des motifs qui évoquent tout autant quelque chose de traditionnel, par le choix des matériaux, qu’un film de science fiction rétro, par la forme. Comme dans la plupart des nouveaux bâtiments du musée, la lumière flatte magnifiquement la sculpture et vient faire scintiller ses cloches métalliques, attirant le regard des passants.
En ce moment, le musée propose également une exposition de nouvelles œuvres de Leonor Antunes. Comme Sequence de Serra, les pièces exposées dans New Work: Leonor Antunes sont une invitation à la promenade, cette fois-ci à travers des cordes de chanvres, des fils de nylon et des parois suspendus au plafond d’une pièce éclairée par une lampe sculpturale. L’installation est située dans un des rares couloirs dénués de lumière naturelle, et l’obscurité de la pièce joue des tours aux visiteurs qui pourraient penser que l’espace n’est pas ouvert au public. C’est la curiosité qui permet de le découvrir.
SFMOMA est désormais le plus grand musée d’arts modernes aux Etats-Unis. L’espace n’y manque pas, et quasiment tout y est merveilleux. Et si les grands noms s’y feront toujours la part du lion, car ils attirent les visiteurs, les subventions et la presse, il serait agréable de voir le musée prendre plus de risques lorsqu’il s’agit de déterminer quels artistes occupent quels espaces.
San Francisco – Etats-unis
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